Islam

Islam , chiisme et sunnisme

        

La religion

     L'ensemble des croyances fondamentales se rapportant à la nature de l'homme et de l'univers et l'ensemble des règles conformes à ces croyances s'appliquant à la vie humaine, sont désignés du terme de “religion”. S'il existe des divergences au sein de la religion, elles prennent le nom de “rites” tels que les rites sunnites et chiites dans l'Islam.

     Si nous considérons la religion comme un programme de vie (manière de vivre) s'appuyant sur une ferme croyance, nous pouvons dire que l'homme même s'il ne croit pas à la divinité, ne peut vivre sans religion. Le Coran affirme que l'homme n'a d'autre choix que de suivre la religion, comme un chemin placé par Dieu devant lui afin qu'en le parcourant, il puisse parvenir à la Vérité.

L'Islam     

     Islam signifie éthymologiquement “soumission et obéissance”: la religion qui invite les hommes à la soumission à Dieu. Par cette soumission, ils adorent seulement le Dieu unique et n'obéissent qu'à ses ordres. Comme le Coran nous l'apprend, la première personne qui appela cette religion “Islam” et ses fidèles “musulmans”, fut le prophète Abraham.

     “Qui donc est meilleur en religion, que celui qui s'est soumis à Allah, tout en pratiquant la bienfaisance, et qui suit la religion d'Abraham pris par Allah comme ami?” (Coran IV, 125)

     “…Dieu ne vous a rien imposé de difficile dans la religion, la religion de votre père, Abraham, qui vous a nommé Musulmans (Soumis)…”. (Coran XXII, 78)

     “…Seigneur! Fais de nous des musulmans (soumis) à Toi et, de notre descendance, fais une communauté musulmane (soumise) à Toi!…”. (Coran II, 128)

L'origine et l'évolution du chiisme  

    

     Le chiisme naquit du vivant même de Mohammad. Ce terme a d'abord désigné les partisans d'Ali, le gendre et le cousin du Prophète. Aux premiers jours de sa mission, quand il lui fut ordonné d'inviter ses proches parents à embrasser l'Islam, le Prophète les  invita et  leur déclara: “Dieu m'a commandé de vous inviter à Lui. Celui d'entre vous qui m'assistera dans cette tâche, sera mon frère, mon héritier et mon successeur.” Tous demeurèrent silencieux, sauf Ali, le plus jeune de tous, qui s'exclama: “Je soutiens que je serai ton délégué et ton aide”. Alors le Prophète mit sa main sur ses épaules et dit: “Il est mon frère, mon héritier et mon successeur, vous devez lui obéir”. Donc Ali fut le premier homme à accepter l'Islam et à répondre à son appel.

     Pendant la période de la prophétie, Ali accomplit des services de haute valeur et manifesta un remarquable dévouement. Ainsi, quand les infidèles de la Mecque décidèrent de tuer le Prophète et cernèrent sa maison, celui-ci décida d'émigrer à Médine. Il dit à Ali: “Veux-tu dormir dans mon lit cette nuit afin qu'ils croient que je suis endormi, et qu'ainsi ils ne se lancent pas à ma poursuite?” Ali accepta spontanément cette mission dangereuse. Ali servit aussi de combattant dans des batailles où sa participation fut telle que s'il n'avait pas été présent, l'ennemi aurait très probablement détruit l'Islam et les musulmans.

     En raison des grands services qu'il rendit et de ses vertus personnelles,  Ali fut aimé par le Prophète et ses compagnons qui furent des exemples de sincérité et de véracité. Ces compagnons se rassemblèrent autour d'Ali et le suivirent, à tel point que beaucoup d'autres  considérèrent excessif cet amour pour lui. A côté de tous ces éléments, nous voyons dans plusieurs paroles du Prophète une référence à la “ chiah (chiite) d'Ali” et à la “ chiah de la famille du Prophète”.

     Le terme “chiisme” qui signifie littéralement “accompagnateur et partisan”, se réfère à ceux qui considèrent que la succession du Prophète revient à sa famille, et qui, dans le domaine des sciences et de la culture islamiques, suivent l'école de la famille du Prophète. Le chiisme consiste à suivre minutieusement la tradition du Prophète, pratiquement et théoriquement par les actes et par les paroles. La preuve principale de la légitimité d'Ali comme successeur du Prophète est l'événement de Ghadir-é Khom.

     Revenant de son dernier pélerinage à la Mecque ( pélerinage d'adieu ) sur la route de Médine à un endroit appelé Ghadir-é Khom, le Prophète s'arrêta et réunit les milliers de pélerins qui l'accompagnaient. Il ordonna que la place fût nettoyée et que les selles des chameaux fussent entassées afin de faire un tas. Ensuite le Prophète y monta et demanda à Ali d'y monter et invita les gens à s'approcher. Après leur avoir adressé un sermon, il plaça Ali à sa droite et leva sa main. Alors il s'exclama: “Suis-je l'autorité à laquelle vous obéissez?” Ils répondirent: “Nous obéissons à tes directives”. Alors il dit: “Ceux pour qui je suis l'autorité et le guide, Ali également est leur guide et leur autorité. Oh! Dieu sois ami des amis d'Ali et l'ennemi de ses ennemis. Quiconque l'aide, aide-le et quiconque le quitte, quitte-le…”.

     Les chiites célèbrent cet événement ce jour-là comme une importante fête religieuse marquant le jour où le droit d'Ali à la succession a été universellement proclamé. Il y a aussi des versets du Coran révélés concernant l'investiture d'Ali à la succession (Coran V 3, 55, 67,...), sa piété et sa bienfaisance (XCVIII, 7, ...).

La cause de la séparation entre la minorité chiite et la majorité sunnite

     Les partisans d'Ali croyaient qu'après la mort du Prophète, le califat (c'est-à-dire “succession”) et l'autorité religieuse reviendraient à Ali. Contrairement à leur attente, lorsque le Prophète quitta ce monde, et tandis que sa famille et quelques compagnons étaient occupés à préparer les funérailles, les partisans d'Ali apprirent l'activité d'un groupe qui s'était rendu à la mosquée où la communauté était réunie en raison de la disparition soudaine de son chef. Ce groupe, qui devait plus tard former la majorité, entreprit en grande hâte, sans consulter la famille du Prophète, ni ses proches, ni plusieurs de ses amis, de choisir un calife (successeur) pour les musulmans, en apparence pour assurer le salut de ces derniers. C'est ainsi qu'Ali et ses compagnons furent mis devant un fait accompli.

     Après les funérailles du Prophète, Ali et ses amis protestèrent contre le choix d'un calife et présentèrent leurs propres arguments, mais la réponse fut que tel était le bien-être des musulmans et que la solution résidait en ce qui avait été fait. Cette protestation et cette critique furent à l'origine de la scission de la minorité, dont les éléments furent connus dans la société comme les “partisans ou chiah d'Ali”, d'avec la majorité sunnite ( sonni ), qui signifie littéralement “celui qui obéit à la tradition ( sonnat )”. Les sunnites qui soutenaient le calife, considéraient que le califat était une tradition, c'est-à-dire une question de consensus de la communauté et nommaient ceux qui protestaient les opposants à l'allégeance. Ils prétendirent donc que la minorité se tenait dans l'opposition envers la société musulmane.

     Le chiisme ne put obtenir quoi que ce soit au moyen de protestations politiques. Afin de sauvegarder l'unité des musulmans, Ali n'entreprit point de se soulever contre l'ordre existant. Pourtant ceux qui protestèrent contre le califat établi refusèrent de se soumettre à la majorité et continuèrent à soutenir que la succession du Prophète et l'autorité religieuse appartenaient à Ali et que pour toutes les matières religieuses, il fallait se référer à lui.

Le principe politique du choix d'un calife par vote et son incomptabilité avec la conception chiite

     Le chiisme estimait que la question la plus importante se posant à la société, était l'explicitation des enseignements islamiques et de la culture religieuse. C'était seulement après de telles clarifications qu'on pourrait appliquer ces enseignements à l'ordre social. Ce but ne pouvait être atteint que par quelqu'un de parfaitement correct et juste. Sinon les autorités religieuses pourraient en venir à trahir leurs devoirs et à se transformer en autocrates. Si cela devait arriver, la règle juste de l'Islam pourrait graduellement être convertie en une règle dictatoriale et les purs enseignements religieux pourraient devenir l'objet de déformations entre les mains d'érudits égoïstes adonnés à la satisfaction de leurs désirs.

     Ce qui empêcha les chiites d'accepter le principe électif du choix d'un calife par le peuple, fut la peur des conséquences pernicieuses qui pouvaient en résulter: peur d'une corruption possible dans le gouvernement et de la destruction des sublimes enseignements de la religion. En même temps, afin de préserver la puissance de l'Islam et de sauvegarder son progrès, le chiisme ne montra aucune opposition ouverte au reste de la société. Les chiites, coude à coude avec les sunnites, participèrent aux affaires publiques. Ali lui-même guida les sunnites dans l'intérêt de tout isalm chaque fois qu'une telle action se révélait nécessaire. Omar, le deuxième calife, avait l'habitude de dire:” Que Dieu ne m'impose jamais une tâche difficile alors que Ali n'est pas présent”.

Le califat des trois califes élus avant I'imam Ali  

      Le chiisme affirme que la Loi divine de l'Islam dont la substance se trouve dans le Coran et dans la tradition du Prophète, demeure valable jusqu'au jour du jugement et ne sera jamais altérée. Un gouvernement réellement islamique ne peut, sous aucun prétexte, refuser d'appliquer les injonctions de l'Islam. La seule tâche d'un gouvernement islamique est de prendre des décisions par consultation dans les limites établies par la loi islamique et en accord avec les exigences du moment.

     Le sunnisme pensait que le Coran devait être conservé sous forme de constitution et accordait beaucoup moins d'attention aux “ hadits ” (Les traditions du Prophète et des douze Imams en tant que contenues dans leurs propos, sont appelées hadit ). Pour les chiites les paroles du Prophète et des douzes Imams (L'imam, ou le guide, est le titre donné à une personne qui prend la tête d'une communauté dans un mouvement social particulier, une idéologie politique ou une forme de pensée scientifique ou religieuse.) sont aussi valables que les versets du Coran. 

     Sous le califat des trois califes établis avant l'imam Ali (Abou Bakr 631-633, Omar 633-644, Osman 644-656), l'enregistrement par écrit du texte des hadits fut complètement interdit et toute version trouvée devait être brûlée. A cette époque, certaines pratiques furent interdites, d'autre admises, et d'autres encore ajoutées. On mettait l'accent sur certains aspects de la religion et en négligeait d'autres. Bientôt, de nombreuses protestations affluèrent vers la capitale, mais le calife n'agit pas promptement pour remédier à l'état de choses qui provoquait les protestations.

    Dans l'ensemble, la politique de ces trois califes, qui furent au pouvoir pendant 25 ans, consista à appliquer les lois et les principes islamiques dans la société selon l' edjtéhad (jurisprudence démonstrative) et le jugement de califat. Quant aux sciences islamiques, aucun effort ne fut fourni, malgré les éloges dont le Coran entoure la connaissance et l'insistance sur son développement. Leur politique fut de réciter simplement le Coran sans tenir compte des commentaires, ni permettre qu'il fasse l'objet d'un approfondissement. Les hadits du Prophète étaient récités et transmis oralement comme pour bien insister sur le fait que seul le texte du Coran devait subsister sous forme écrite.

     Après la bataille de Yamamah en 633, plusieurs de ceux qui connaissaient le Coran par cœur furent tués. Cela amena Omar, à proposer à Abou Bakr, le premier calife, de mettre par écrit les versets du Coran, dans la crainte que si une autre guerre survenait et que le reste de ceux qui connaissaient le Coran par cœur mouraient, la connaissance du texte du Livre Sacré ne disparût. Il était donc nécessaire de rassembler les versets coraniques. Il apparaît étonnant du point de vue chiite que cette décision ait été prise au sujet du Coran et que les hadits qui complétaient le Coran, et qui se trouvaient devant le même danger, n'aient pas fait l'objet de la même attention.

     La plupart des musulmans avaient l'esprit occupé par les victoires remarquables remportées par les armées musulmanes et se laissèrent éblouir par un déluge d'immenses butins affluant de tous les horizons vers la Péninsule arabique. Avec cette nouvelle richesse et les mondanités qui l'accompagnèrent, peu nombreux furent ceux qui se consacrèrent aux sciences islamiques à la tête desquelles se tenait Ali que le Prophète avait présenté comme le plus versé en sciences islamiques. ”Je suis la cité du savoir dont Ali est la porte . Ainsi quiconque cherche le savoir entrera par cette porte”, a dit le Prophète. Il est curieux que même pour rassembler les versets coraniques, Ali n'ait pas été mentionné parmi ceux qui participèrent à la tâche, bien que tout le monde fût au courant qu'après la mort du Prophète en 631, il fut le premier à avoir compilé le Coran (en 632).

L'avénement du califat d'Ali et sa méthode de gouvernement

      A la mort du Prophète, Ali avait 33 ans. Il fût écarté du califat sous prétexte qu'il était trop jeune et qu'il avait beaucoup d'ennemis parmi le peuple à cause du sang des polythéistes qu'il avait versé durant les guerres menées avec le Prophète. Ali fut par conséquent complétement coupé des affaires publiques. Il se retira chez lui et du fait qu'il ne pouvait se consacrer à l'éducation et à la formation des gens en général, se concentra sur la formation d'une élite restreinte et passa ainsi les 25 années du califat des trois califes qui succédèrent au Prophète. Pendant cette période, quelques autres compagnons du Prophète et un grand nombre de leurs disciples de différentes contrées, rejoignirent les partisans d'Ali. Il en résulta qu'après la mort du troisième calife, de tous côtés le peuple se tourna vers Ali, lui prêta serment d'allégeance et le choisit comme calife. Ainsi, Ali devint le quatrième calife des sunnites et le premier imam des chiites (à savoir, il était calife et imam, c'est-à-dire il avait à la fois l'autorité politique et religieuse).

     Omar a dit: ”Je jure par Dieu qu'Ali mérite le califat mais le peuple n'aurait pas été capable de supporter son califat. S'il était devenu calife, il aurait forcé le peuple à accepter la pure vérité et à suivre le droit chemin. Sous son califat, il n'aurait pu transgresser les limites de la justice et aurait donc cherché à engager la guerre contre lui”. Il déclara également: ” Je jure par Dieu qu'Ali est le plus digne parmi tous pour devenir calife, mais nous l'avons écarté pour trois raisons: 1)- Il est trop jeune, 2)- Il est lié aux descendants d'Abdol Mottalèb, 3)- Le peuple n'aime pas que la prophétie et le califat soient réunis dans une famille”.

     Ali fut finalement nommé le 4e calife en 656. Les sunnites se rangèrent aux côtés des Omeyades, la dynastie établie par Moaviah, tandis que les chiites continuaient d'appuyer les descendants du Prophète à travers la lignée d'Ali. Pendant son califat (656-661), Ali suivit les voies du Prophète, ramena la loi à sa pureté originelle et força tous les pouvoirs politiques incompétents à démissionner. Le premier jour de son califat, dans un discours au peuple, il déclara:

     “O peuple, sachez que les difficultés que vous avez rencontrées durant la mission du Prophète, sont revenues et vous assaillent à nouveau. Vos rangs doivent être complètement inversés afin que les personnes de vertu qui se trouvent à l'arrière soient ramenées à l'avant, et que ceux qui se sont placés à l'avant sans en être dignes retournent en arrière. Il y a le vrai et le faux. Chacun d'eux a ses adeptes, mais c'est le vrai qu'il faut suivre. Si le faux est majoritaire, cela n'a rien de nouveau, et si le vrai est rare et difficile à obtenir, il arrive parfois qu'il l'emporte, engendrant alors l'espoir du progrès. Certes, il n'arrive pas souvent que ce qui s'est éloigné de l'homme revienne à lui.”

     Ali continua à exercer son gouvernement révolutionnaire, mais comme il advient nécessairement dans tout mouvement de ce genre, des éléments de l'opposition dont les intérêts étaient compromis commencèrent à manifester leur désaccord et à opposer une résistance. Ils fomentèrent des guerres sanglantes qui se poursuivirent presque tout au long du califat d'Ali. Du point de vue chiite, ceux qui déclenchèrent ces guerres civiles n'avaient pas d'autre but que leurs intérêts personnels.

     La première bataille, nommée “Chameau”, fut causée par les regrettables différences de classes, créées sous Omar, qui provoquèrent une disribution inégale du trésor public. Quand il fut choisi pour le califat, Ali répartit le trésor d'une manière égale conformément à la pratique du Prophète. Quant à la seconde guerre, “Saffeïn”, à son origine se trouve le désir de Moaviah (le fondateur de la dynastie omeyade, 661-750, et le gouverneur de Syrie) de s'emparer du califat qui représentait pour lui un instrument politique mondain plutôt qu'une institution religieuse. Dans la troisième bataille, “Nahravan”, un certain nombre de gens se rebellèrent contre Ali à l'instigation de Moaviah. Ils semèrent la rebellion à travers tout le territoire islamique tuant en particulier les chiites. Ali écrasa les soulèvements, mais quelque temps plus tard, en 661, il fut assassiné dans la mosquée de Koufa pendant la prière par l'un des partisans de Moaviah.

Le bénéfice qui revient aux chiites par le califat d'Ali

     Bien qu'Ali pendant quatre ans et neuf mois de son califat ne fut pas en mesure de mettre un terme définitif aux troubles qui agitaient le monde islamique, il réussit néanmoins sur trois plans fondamentaux :

     1)- Grâce à ses mesures justes et honnêtes, il rendit à la manière de vivre du Prophète tout son éclat et sa séduction, surtout aux yeux de la jeune génération.

     2)- Il laissa après lui un inestimable trésor de  connaissances islamiques. Environ onze mille de ses sentences et aphorismes concernant différents sujets intellectuels, religieux et sociaux ont été recensés. Il fût le premier en Islam à s'intéresser aux questions métaphysiques, unissant la rigueur intellectuelle à la démonstration logique. La grammaire arabe fut systématisée par l'un des compagnons du Prophète et par Ali qui dicta un plan d'organisation afin de préserver la forme d'expression coranique.

     3)- Il forma un grand nombre de savants religieux parmi lesquels on trouve nombre d'hommes pieux et mystiques. Ces hommes ont été reconnus par les gnostiques ultérieurs comme les fondateurs de la gnose en Islam. D'autres parmi ses disciples devinrent les premiers maîtres de jurisprudence, de théologie, d'exégèse et de récitation coraniques.

Le transfert du califat à Moaviah et sa transformation en monarchie héréditaire

     Après le martyre d'Ali, son fils, Hassan qui est reconnu par les chiites comme le deuxième imam, devint calife conformément au testament d'Ali et également grâce à l'allégeance de la communauté. Mais Moaviah ne demeura pas impassible face à cet évènement. Il marcha avec son armée vers Bagdad , la capitale du califat, et déclara la guerre à Hassan. Il força Hassan à lui laisser le califat pour éviter une effusion de sang et à faire la paix. En 661, Hassan lui céda finalement le califat.

     Moaviah, après avoir accédé au califat, déclara dans un discours : ”Je ne me suis pas battu contre vous pour la prière ou le jeûne. Ce que je voulais, c'était régner sur vous, et ce but je l'ai atteint ... . Je sépare la religion de la politique et n'accorde aucune garantie concernant les devoirs et les réglements religieux. Je dépense toutes mes forces pour préserver mon pouvoir, à quelque prix que ce soit.” Il est à noter que la politique et la religion se présentent dans l'Islam comme une seule unité et se complètent l'un l'autre.

     Moaviah mit son projet à exécution, il alla jusqu'à déclarer que quiconque transmettrait un hadit louant la famille du Prophète ne jouirait d'aucune immunité ni protection. Parallèlement, il ordonna de récompenser quiconque pourrait apporter un hadit louant surtout les califes. Il en résulta qu'un grand nombre de hadits mensongers furent inventés. Moaviah donna l'ordre de répandre des commentaires défavorables au sujet d'Ali, du haut des chaires des mosquées à travers tout le territoire de l'Islam. Avec l'aide de ses agents,il tua les plus éminents disciples d'Ali. La plupart des chiites furent forcés de désavouer et même d'insulter Ali et d'exprimer leur mépris à son égard. S'ils refusaient, ils étaient mis à mort. Moaviah s'arrangea pour faire empoisonner Hassan, préparant ainsi la voie de la succession à son fils Yazid.

Les jours les plus difficiles du chiisme

     La période la plus difficile pour les chiites fut le règne de Moaviah (661-681) pendant lequel ils ne jouirent d'aucune sécurité. Deux des imams chiites contemporains, Hassan et Hosseïn (le troisième imam et le frère de Hassan), n'eurent aucune possibilité de changer les circonstances opressives dans lesquelles les chiites se trouvaient.

     Le fils de Moaviah, Yazid, n'avait aucun sentiment religieux et était peu respectueux des  règles de l'Islam. Seules l'intéressaient la débauche et la frivolité. Ses trois années de califat (681-684) furent la cause de catastrophes sans précédent dans l'histoire de l'Islam: en 681, il massacra, de la façon la plus atroce qui soit, l'imam Hosseïn et les siens à Karbala; il ordonna un massacre général à Médine et, pour trois jours, donna à ses soldats licence de tuer et de piller; il fit détruire et brûler la Kaabah Sacrée. Avec l'assassinat de Hosseïn, l'antagonisme entre chiites et sunnites prit un tour définitif.

     Après Yazid, la famille de Marvan prit possession du califat. Le gouvernement de cette famille (684-754), inaugura un empire dictatorial qui se donna le titre de califat islamique. Pendant cette période, le califat, en principe, “représentant du Prophète” et considéré comme le protecteur de la religion, décida de construire une pièce au-dessus de la Kaabah, afin de s'aménager un lieu de distraction pendant le pélerinage annuel. L'un de ces califes prit le Coran comme cible de sa flèche, et dans un poème composé contre le Coran déclara: ”Au jour du jugement, lorsque tu apparaîtras devant Dieu, dis-lui: le calife m'a déchiré”.

     Les chiites connurent des jours amers durant cette sombre période. Pourtant, malgré l'injustice et l'irresponsabilité des gouvernements, l'ascétisme et la pureté des Imams de la famille du Prophète rendirent les chiites plus attachés à leurs croyances. Le premier siècle n'était pas clos que déjà quelques personnalités influentes fondaient la ville de Qom en Perse et en faisaient une colonie chiite. Malgré tout, la plupart des chiites continuaient à vivre cachés, pratiquant leur vie religieuse en secret pour assurer leur propre survie et surtout celle de leur croyance.

     Les malheurs engendrés par les Omeyades devinrent si évidents que la majorité des sunnites, bien qu'ils crussent en général au devoir d'obéissance envers les califes, ressentirent si fort les affres de leur conscience religieuse qu'ils furent obligés de diviser les califes en deux groupes. Ils en vinrent donc à distinguer les “Califes Rachédine " (guidés correctement), qui sont les quatre premiers califes (Abou Bakr, Omar, Osman, Ali) des autres qui commencent avec Moaviah, car le gouvernement des quatres premiers califes fut fortement religieux en caractère alors que le califat omeyade fut teinté de considérations terrestres.

Le chiisme pendant le 8e siècle

      Au 8e siècle, commença un mouvement anti-omeyade au nom de la famille du Prophète en Perse. Le chef de ce mouvement était un général perse, Abou Moslèm Marvazi, qui se rebella contre le gouvernement omeyade et le renversa. Ce mouvement n'était pourtant pas directement issu de la volonté des Imams. Finalement un descendant du Prophète, Abol Abbas, arriva au pouvoir et fonda le califat abbasside (750-1258) au nom de la famille du Prophète. Au début, les Abbassides se montrèrent bons envers le peuple en général et envers les descendants du Prophète en particulier. Mais très vite, ils se mirent à imiter les voies injustes des Omeyades: ils emprisonnaient, torturaient et massacraient et les chiites et les sunnites. Le chiisme ne profita nullement de la dissolution des Omeyades et de l'établissement des Abbassides. Ses oppresseurs ne firent que changer de nom.

Le chiisme au 9e siècle

     Au début du 9e siècle, Maamoun (813-833), le calife abbasside, favorisa la démonsration intellectuelle et laissa une complète liberté à la discussion et à la difusion des diverses opinions religieuses. Cette situation favorable fut principalement due au fait que beaucoup de livres scientifiques et philosophiques furent traduits du grec, du syriaque et d'autres langues encore en arabe. Les gens se mirent à étudier passionnément les sciences. Les savants chiites profitèrent pleinement de cette liberté poussant au maximum les activités culturelles et la propagation des enseignements chiites.

     De plus, Maamoun, pour éviter les révoltes des chiites, qui étaient assez puissants et contre le califat abbasside, fit de l'imam Reza, le huitième imam, son successeur. Il en résulta que les chiites furent jusqu'à un certain point libérés des pressions gouvernementales et connurent une certaine indépendance d'action. Pourtant très vite le tranchant du sabre se tourna à nouveau contre eux et les jours anciens réapparurent. Il est à savoir que l'imam Reza n'accéda jamais au califat et fut tué par Maamoun.    

Le chiisme au 10e siècle

     Durant le 10e siècle apparurent certaines conditions nouvelles favorisant la diffusion et la consolidation du chiisme. Parmi celles-ci, il y avait les faiblesses apparues dans le gouvernement abbasside et l'avènement des Bouyides (945-1055). Les Bouyides étaient chiites et avaient une très grande influence à Bagdad jusque sur le calife lui-même. Cette nouvelle force permit aux chiites de propager ouvertement leurs idées religieuses. A cette période, les Fatimides, qui étaient ismaéliens, conquirent l'Egypte et fondèrent un califat qui dura plus de deux siècles (908-1171). 

Le chiisme du 11e au 15e siècle

      Durant cette période, le chiisme ne cessa de se développer même si sa puissance et sa liberté dépendaient des conditions locales et des souverains en place. Vers la fin du 11e siècle, l'activité missionnaire ismaélienne rayonna à partir de la forteresse d'Alamout en Perse et pour presque un siècle et demi les ismaéliens vécurent dans une indépendance complète dans les régions centrales de la Perse. Au début du 12e siècle avec l'invasion mongole et en conséquence de l'engagement général dans la guerre, du chaos et de la continuation des croisades, les divers gouvernements islamiques n'exercèrent pas une pression excessive sur les chiites.

     De plus, la conversion au chiisme de quelques souverains mongols (1265-1353) de Perse,  dont Sultan Mohammad Khodabandeh, contribua largement à l'expansion du chiisme. Il faut aussi mentionner les rois des dynasties turkmènes Aq Qoyounlou (1434-1514) et Qara Qoyounlou (1275-1468) qui régnèrent sur une grande partie de la Perse de même qu'il faut évoquer le gouvernement fatimide d'Egypte.

Le chiisme aux 16e et 17e siècles

     En l'an 1500, Chah Esmaïl, le fondateur de la dynastie safavide (1501-1722) qui était de la famille du Cheikh Safi Ardébili (mort en 1334), à la fois un maître soufi et un chiite, amorça une révolte à Ardébil, avec trois cents soufis, disciples de ses ancêtres, avec pour but la fondation d'une nation chiite indépendante et puissante. Après des guerres sanglantes contre les gouverneurs locaux et les Ottomans qui détenaient le titre de calife, il réussit à unifier la Perse et à promouvoir le chiisme au rang de religion officielle de son royaume. Ainsi le chiisme devint pour la première fois la religion officielle d'un Etat musulman et à partir de ce moment, il resta la religion de la majorité des Iraniens. Après la mort de Chah Esmaïl, d'autres rois safavides continuèrent à considérer le chiisme duodécimain comme religion d'Etat de ce pays et à confirmer l'influence du chiisme sur cette terre. Dans les autres terres musulmanes, par contre la population chiite n'augmenta que par le mécanisme naturel de la croissance de la population.

Le chiisme du 18e au 20e siècle

     Pendant ces trois derniers siècles, le chiisme a poursuivi un rythme de croissance naturel. Actuellement, l'Iran est le seul pays du monde dans lequel le chiisme est reconnu comme religion officielle. Les seuls pays où les chiites sont en majorité sont l'Iran (91,2%), l'Azerbaïdjan (70%), l'Irak (62,5%), le Bahreïn (57,2%) et le Liban (48%). Le sunnisme comprend la majorité des musulmans et le chiisme compte un peu plus de 10% de la communauté musulmane.

L'edjtéhad

     Le modjtahèd est quelqu'un qui, par sa maîtrise des sciences religieuses et la possession de qualités morales, a le droit de pratiquer l' edjtéhad ou l'émission de nouveaux avis par le raisonnement sur des matières appartenant à la religion.

     Les musulmans pour apprendre minutieusement les pratiques religieuses s'adressent aux modjtahèds. L'action qui consiste à suivre les modjtahèds se nomment “imitation”. Naturellement, cette imitation diffère de celle des principes de la religion, laquelle est interdite selon le texte même du Coran. Précisons que le chiisme ne permet pas l'imitation d'un modjtahèd décédé. C'est-à-dire qu'un individu qui ne connaît pas la réponse à un problème religieux, doit imiter un modjatèd vivant et ne peut se référer au point de vue d'un modjtahèd décédé à moins d'avoir reçu cette indication du vivant du modjtahèd. Cette pratique est l'un des facteurs qui a contribué à garder vivante la jurisprudence démonstrative chiite à travers les âges. Il existe toujours des personnes qui poursuivent continuellement la voie du jugement indépendant et s'occupent d'une génération à l'autre de problèmes de jurisprudence.

     L'edjtéhad n'existe plus dans l'Islam sunnite depuis le 9e siècle. En sunnisme, à la suite d'un consensus d'opinion qui eut lieu au 10e siècle, on décida que la soumission à l'une des quatre écoles ( celle de Hanafi, Maléki, Chaféi et Hanbali) serait obligatoire. Le libre edjtéhad ou l'imitation d'une école autre que ces quatre dernières fut interdite. Il en résulte que la jurisprudence sunnite s'est figée dans les conditions où elle se trouvait il y a 1100 ans. Récemment, certains sunnites se sont désolidarisés de ce consensus et se sont mis à exercer le libre edjtéhad.

Remarque :

     Sunnites et chiites partagent les mêmes obligations religieuses (la prière, le jeûne, l'aumône, le khoms qui signifie "donner un cinquième du bien", le pèlerinage à la Mecque, jihad qui est généralement traduit par "guerre sainte" ce terme signifie aujourd'hui "défense sainte", "encourager à pratiquer les principes moraux", et "prohiber les mauvaises actions") ainsi que les mêmes croyances fondamentales (la foi en un Dieu unique, la croyance en la mission des prophètes, la croyance dans le jour du Jugement dernier).

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